Capitulation de l'U-570



L'U-570

- C'est vers midi, par une journée ensoleillée mais venteuse du mois d'Août 1941, lorsqu'un sous-marin fait surface parmi des bulles d'écume sous le Hudson 'S', piloté par le Squadron Leader J. H. Thompson dans le cadre d'une mission de reconnaissance anti-sous-marine au sud de l'Islande. Le bombardier se lance immédiatement dans un piqué en courbe raide, larguant quatre charges de profondeur sur la cible. Alors que le bombardier reprend de l'altitude, l'équipage est surpris de voir un drapeau blanc flotter sur le massif. Il semble incroyable de rencontrer un U-Boot immobile à la surface. Voir un drapeau blanc de reddition est encore plus invraisemblable. Pourtant, c'est bien réel. L'U-Boot se rend, mais personne ne peut rien faire pour réclamer la récompense. Même si l'Hudson avait été équipé de flotteurs, les vagues sont trop fortes pour permettre un amerrissage. Tout ce que le Hudson 'S' peut faire est de demander de l'aide, tout en tournant hors de portée de l'armement antiaérien dérisoire situé à l'arrière du massif. À cette époque, les bateaux de Type VlIC sont encore équipés d'un seul canon de 20mm sur le Wintergarten, à l'arrière de la baignoire ; le seul canon de 88mm sur le pont avant est trop encombrant pour être utilisé contre des avions. Peu avant que le manque de carburant ne contraigne le Hudson 'S' à regagner sa base en Islande, un autre avion, cette fois un Catalina, prend le relais jusqu'à l'arrivée des navires de la Royal Navy venus remorquer la prise jusqu'en Islande. Finalement, l'U-570 est ramené en Grande-Bretagne pour être intégré à la Royal Navy sous le nom de H.M.S. Graph.

- Entre-temps, les officiers allemands sont arrivés dans un camp de prisonniers de guerre où leurs pairs ont organisé une cour martiale secrète pour la reddition du bateau. Le commandant, le Kptlt Hans Rahmlow, et le premier officier, le LtsZ Bernhard Berns, sont tous deux reconnus coupables de lâcheté face à l'ennemi, ostracisés et condamnés à comparaître devant une cour martiale à leur retour en Allemagne. Souhaitant se racheter, le premier officier se porte volontaire pour s'échapper et se diriger vers Barrow-in-Furness, où l'on sait que l'U-570 se trouve. Là, il tente de monter à bord du bateau et de le saborder. Cependant, il est capturé par la Home Guard et fusillé.

- Cette histoire en bref est évidemment exploitée au maximum par tous les marchands de propagande et la reddition, avec un drapeau blanc flottant sur un U-Boot, continue à fasciner les historiens pendant des années après la guerre. En conséquence, un si grand nombre de variantes, décrivant des séquences d'événements légèrement différentes, font apparaître qu'il est extrêmement difficile de séparer la réalité de la fiction. Aussi, plutôt que d'apporter une nouvelle version de l'histoire, peut-être douteuse, il est préférable d'examiner le drame séparément, du point de vue du Kptlt Rahmlow puis de celui de la Royal Navy. En effet, en révélant l'affaire au milieu des années 1950, le magazine allemand Kristall suscite un tel engouement que plusieurs membres de l'équipage, qui ont tous souhaité rester anonymes, écrivent leur version des faits, ce qui incite Rahmlow à raconter comment il a vu la capitulation se dérouler. Son récit est publié mot pour mot par Kristall en tant que dernier article d'une série fascinante.

- Hans-Joachim Rahmlow est en effet un personnage remarquable. Il rejoint la Reichsmarine à l'âge de 19 ans, en 1928, cinq ans avant l'arrivée d'Hitler au pouvoir, à une époque où il est extrêmement difficile d'entrer dans l'armée, et encore plus de devenir officier de marine, et où la Luftwaffe n'a pas encore été créée. Au début de la guerre, il commande une unité d'artillerie navale basée à terre et reste aux canons lourds jusqu'au début de l'année 1940. Bien qu'il porte un uniforme de la marine, Rahmlow est en fait un marin de terre employé dans des endroits où ses hommes peuvent théoriquement tirer sur des navires.

- À partir d'Avril 1940, Rahmlow suit une formation sous-marine de cinq mois avant d'être placé en apprentissage auprès de Heinrich Bleichrodt sur l'U-48. Bleichrodt commande plus tard l'U-109, l'U-Boot sur lequel Wolfgang Hirschfeld est opérateur radio et qui sert à la première expérience de conversation radiotéléphonique. L'U-48 est le bateau le plus performant de la Seconde Guerre mondiale ; Rahmlow est donc entre de bonnes mains, entouré de la crème de la marine. Le premier officier de quart, Reinhard Suhren, devient plus tard un commandant accompli de l'U-564, puis officier général des U-Boote norvégiens et du F.d.U. Nordmeer (mers polaires). Le second officier de quart, Otto Ites, est également un personnage célèbre et devient commandant de l'U-94, le premier bateau à s'attaquer au convoi responsable de la capture de l'U-110. Il y a deux Ites dans le service sous-marin allemand. Otto a un frère jumeau, Rudolf, qui commande l'U-709. L'officier mécanicien, Erich Zürn, est également l'un des chevaliers de la Croix de Fer les plus respectés et servit plus tard comme officier mécanicien pour la 29.U-Flottille, puis la 5.U-Flottille.

- Après un voyage opérationnel avec l'U-48, Rahmlow se voit confier le commandement de l'U-58, un petit bateau de Type IIC. Il ne part cependant pas en guerre avec cette pirogue. Il est déjà retiré du service actif et sert de bateau-école dans la Baltique. Ainsi, pendant quatre mois, Rahmlow peut affûter ses tirs en toute sécurité dans la mer Baltique, où il est hors de portée de l'ennemi. Ses seuls ennemis sont le bateau lui-même, les chefs de mission et les éléments naturels. En Avril 1941, il se rend au Deutsche Werke à Kiel pour se familiariser avec son nouveau commandement et souder son équipage. L'U-570 est mis en service le 15 Mai 1941 et, trois mois plus tard, il quitte la Baltique pour la Norvège, fait escale à Trondheim et appareille de là pour sa première croisière opérationnelle le 23 Août 1941. En si peu de temps, l'U-570 n'aura jamais pu être véritablement prêt pour la guerre. Quiconque cherche encore un responsable à cette reddition sauvage doit se pencher sur le système qui a envoyé tant d'hommes inexpérimentés affronter des tâches et des conditions qu'ils auraient difficilement pu imaginer à l'avance.

- Malgré le manque d'expérience de Rahmlow et de ses hommes, il a déjà goûté à tout ce que l'Atlantique, la Royal Navy et la RAF peuvent lui offrir. Son voyage à bord de l'U-48 n'a rien d'une croisière de plaisance et il a même vécu une répétition générale des événements qui allaient plus tard mener à la capture de son propre bateau. Cela s'est produit en Octobre 1940, alors que l'U-48 poursuit un convoi dans des conditions épouvantables. L'attention de Bleichrodt est concentrée sur un destroyer qui l'a auparavant contraint à se réfugier dans la 'cave' lorsque, soudainement et sans avertissement, un Sunderland surgit des nuages bas. Le cri « Alerte ! » retentit dans la baignoire au moment où les vigies se jettent au sol dans le Zentral. Le géant volant se trouve à moins de deux kilomètres lorsqu'il est repéré, ce qui signifie qu'il largue ses charges de profondeur avant que l'U-48 ne puisse atteindre une profondeur de sécurité. Deux énormes détonations provoquent une violente secousse.

- L'agitation habituelle des corps meurtris qui se relèvent du bas de l'échelle vient à peine de s'apaiser que deux autres détonations violentes sèment le chaos dans l'intérieur sombre. Celui qui se trouve là-haut ne se contente pas de titiller le bateau, et deux autres charges de profondeur explosent assez près avant que les vigies puissent atteindre leurs postes de plongée. Il semble que l'avion ait appelé des renforts, car une salve de cinq explosions suit. Après cela, six autres suivent, puis six autres encore peu de temps après. Pourtant, Bleichrodt ne se laisse pas déstabiliser, Suhren se plaint des voisins bruyants et Zürn continue à donner des ordres avec le même calme que lorsqu'il demande une autre tasse de café ou que quelqu'un lui passe le sel pendant les repas.

- Moins de six heures plus tard, la scène se répète.
- Cette fois-ci, l'U-48 subit sept attaques distinctes, au cours desquelles 26 charges de profondeur sont larguées. Les dégâts à l'intérieur sont minimes et les hommes réparent les bris au fur et à mesure qu'ils se produisent. Rahmlow sait donc certainement ce que c'est que d'être la cible d'une violente attaque à la charge de profondeur et, s'il a été attentif, il aura vu que souffler aux ballasts n'est pas une bonne option. Au lieu de cela, Zürn allège la charge en utilisant la pompe de ballast massive à haute pression pour expulser l'eau qui a pénétré à l'intérieur.

Suite de l'histoire.

Glossaire
Source : ENIGMA U-BOATS Breaking the Code (avec mes propres corrections).

gauche

Homepage