Porte-Avions H.M.S. "Courageous"


H.M.S. Courageous
H.M.S. Courageous



- Lancés en Mars 1915 comme premier d'une classe de croiseurs de combat légers, le H.M.S. "Courageous" et ses deux sister-ships sont l'expression ultime de l'obsession de l'Admiral Lord Fisher pour la primauté de la vitesse et de la puissance de feu à bord. En particulier, la classe est conçue comme le fer de lance du Fisher's, Baltic Project qui propose un débarquement amphibie sur la côte de Poméranie suivi d'une poussée vers Berlin qui mettrait fin à la guerre. Cependant, le départ de Fisher de l'Amirauté en 1915 et le désastre qui frappe les cuirassés britanniques au Jutland l'année suivante diminuent considérablement le rôle que ce trio de plus en plus grotesque peut jouer dans la flotte. Lancé au chantier Walker d'Armstrong Whitworth en Février 1916 et complété par quatre canons de 15 pouces en Janvier 1917, le "Courageous" sert dans la 3rd Light Cruiser Squadron puis dans la 1st Cruiser Squadron de la Grand Fleet. En Novembre de la même année, il est impliqué dans un engagement avec les forces allemandes dans la baie d'Helgoland, s'en sortant avec de légers dommages. En 1919, le "Courageous" est réduit au rôle de navire-école d'artillerie et son avenir reste incertain, mais la signature du Traité de Washington en 1922 et l'allocation contenue dans ses termes pour la construction d'un porte-avions britannique de 135 000 tonnes lui offre le répit nécessaire. Dernier membre de sa classe à subir une reconstruction, le "Courageous" est versé au contrôle du chantier naval de Devonport en Juin 1924 et n'émerge pas avant Février 1928. Brièvement affecté à la Mediterranean Fleet, il est affecté en 1929 à l'Atlantic Fleet (rebaptisée Home Fleet en 1932) avec laquelle il reste jusqu'en 1935. Un détachement d'un an en Méditerranée de 1935 à 1936 fut suivi d'un grand carénage à Portsmouth qui dure jusqu'en Juin 1938. À l'exception de quelques mois dans la Reserve Fleet en 1939, le reste de sa carrière se déroule au sein de la Home Fleet basée à Devonport.

- Bien qu'elle ne dispose que de trente-neuf navires opérationnels au début des hostilités, l' U-Boot-Waffe fait immédiatement sentir sa présence, l'U-30 coulant le paquebot "Athenia" dans les heures qui suivent la déclaration de guerre du 03 Septembre. L'Amirauté, qui a une confiance exagérée dans l'efficacité de l'appareil de détection des sous-marins Asdic, n'a pas encore établi de stratégie cohérente pour combattre la menace sous-marine. À l'instigation de l'agressif nouveau First Lord, Winston Churchill, l'Amirauté déploie l'"Ark Royal" et le "Courageous" dans des groupes de 'Hunter Killer' pour rechercher et détruire les U-Boote dans les approches clés des eaux nationales, alors qu'un grand nombre de navires non convoyés font encore route vers les ports britanniques. Cette tactique s'avère désastreuse. Alors que l'"Ark Royal" est déjà en mer au large des Orcades, le soir du 03 Septembre, le H.M.S. "Courageous" quitte Plymouth pour patrouiller les Western Approaches à la recherche de sous-marins ennemis, avec les destroyers "Inglefield", "Intrepid", "Ivanhoe" et "Impulsive" comme escorte rapprochée. Le 14 Septembre, l'"Ark Royal" est attaqué par l'U-39 dont les torpilles explosent dans son sillage. Cette indication précoce que le rôle du chasseur et du chassé pourrait facilement être inversé n'a pas eu le temps d'être prise en compte, tandis que le naufrage de l'U-39 et la capture de son équipage par l'escorte de l'"Ark Royal" ne font que renforcer la confiance mal placée de l'Amirauté dans sa capacité anti-sous-marine. Trois jours plus tard, c'est au tour d'un vieux porte-avions d'être mis à l'épreuve lorsque le "Courageous" est repéré par l'U-29 peu après 18h00 alors qu'il zigzague vers Devonport. À 15h45 déjà, son écran de destroyers a été réduit par l'envoi de l'"Inglefield" et de l'"Intrepid" pour enquêter sur une attaque de sous-marins allemands contre le cargo "Kafiristan" à 130 nautiques à l'Ouest, ce qui ne lui laisse que l'"Ivanhoé" et l'"Impulsive" pour compagnie. Cependant, il faut deux heures de poursuite et un changement de cap obligeant de la part de sa proie, au moment où elle semble lui échapper, pour que le Kptlt Otto Schuhart se retrouve face à l'une des plus grandes cibles jamais vues dans l'objectif d'un périscope de sous-marin.

- Le journal de bord de Schuhart couvre le naufrage avec des détails inhabituels, depuis le repérage et le suivi du "Courageous" par l'U-29 dans l'après-midi du 17 jusqu'à l'attaque et la contre-attaque immédiate par ses escortes qui s'est poursuivie jusque tard dans la nuit. Les Britanniques ne sont conscients d'aucun danger jusqu'à ce que les deux torpilles frappent le "Courageous" en succession rapide sur le côté bâbord, derrière le pont. Les détonations et l'inondation qui s'ensuit ont deux conséquences immédiates : la destruction d'une des principales dynamos du navire qui le plonge dans une obscurité presque totale, et une gîte rapide de vingt degrés sur bâbord. Les communications sont non seulement limitées au bouche-à-oreille, mais aussi fortement entravées par l'activation de la sirène à vapeur qui rend l'équipage sourd aux ordres verbaux et sape le moral de ceux qui tentent de sauver le navire. De ce fait, de nombreuses mesures visant à limiter l'inondation, notamment le scellement des portes internes en 'Y', ne sont jamais prises. Pendant ce temps, le poids supérieur irrégulier du navire et le déplacement des avions et des équipements lourds dans les hangars accentuent la gîte et amènent bientôt le côté bâbord du pont d'envol à quelques pieds de la mer. Lorsque, après dix minutes, la gîte atteint quarante-cinq degrés, le Captain Makeig-Jones concède à contrecœur que 'ceux qui souhaitent quitter le navire peuvent le faire'. Peu après, de grands 'craquements' sont entendus, signe que les cloisons s'effondrent. S'enfonçant par la proue, le "Courageous" est à l'agonie et il ne faut pas longtemps pour qu'il glisse sous les vagues - en tout, dix-neuf minutes seulement après l'attaque.
- Tout en reconnaissant que la rapidité du naufrage est probablement due à une inondation incontrôlée, la commission d'enquête (Board of Enquiry) conclue qu''une éventuelle catastrophe de cette ampleur n'avait pas été prévue ou n'avait pas été anticipée'. Le Second Sea Lord, l'amiral Sir Charles Little, en déduit un manque de préparation inacceptable contre les attaques sous-marines et recommande que l'Executive Officer (commandant en second) du porte-avions, le Cdr C. W. G. M. Woodhouse, partage une partie de cette responsabilité et soit informé du mécontentement de la commission. Cette recommandation est rejetée par Churchill qui, conscient de sa propre responsabilité dans cette affaire, estime que la marine dans son ensemble a beaucoup à apprendre de cet incident. Il n'est pas non plus prêt à faire un bouc émissaire d'un homme dont les blessures à la colonne vertébrale, subies pendant le naufrage, l'ont forcé à demander à être mis hors service. La commission d'enquête conclue que 'nous considérons le comportement des deux officiers, et de l'équipage du navire en général, dans des circonstances qui auraient difficilement pu être pires, a été très bonne'. Entre-temps, tout espoir que l'U-Boot en cause a été détruit par l'escorte du "Courageous" s'évapore dans la fanfare entourant le retour de l'U-29 à Wilhelmshaven le 26 Septembre.
- Pour sa part, le Konteradmiral Karl Donitz voit dans le naufrage du "Courageous" un signe favorable de la vulnérabilité de son ennemi aux attaques des U-Boote. Il s'avère que l'Asdic n'est pas infaillible. Comme il l'a fait comprendre dans un rapport suivant la croisière de l'U-29, Il n'est pas vrai que l'Angleterre a les moyens techniques de neutraliser les U-Boote. Leur expérience jusqu'à présent confirme que le dispositif anti-sous-marin anglais n'est pas aussi efficace qu'ils le prétendent.

- La raison pour laquelle l'ordre d'abandonner les stations du navire n'a jamais été donné reste un mystère. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi le Captain Makeig-Jones s'était abstenu de le faire, le Cdr Woodhouse a suggéré qu'il avait peut-être hésité à nuire au moral de l'équipage du navire, alors qu'il n'était toujours pas certain de l'étendue des dégâts. Au fur et à mesure que l'on apprenait que chaque homme devait décider comme il l'entendait, un nombre croissant de personnes ont abandonné le navire, beaucoup admettant par la suite qu'ils avaient simplement suivi les autres. Un certain nombre de soumissions devant la Commission ont témoigné que cela s'était fait dans la bonne humeur et sans panique, de nombreux Royal Marines en particulier s'étant distingués par leur discipline et leur sang-froid au fur et à mesure que la catastrophe se déroulait. Cependant, alors que l'exode général atteignait son paroxysme lorsque le "Courageous" entrait dans les affres de la mort, de nombreux nageurs se sont retrouvés aspirés avec lui, seuls ceux qui ont eu la chance de s'accrocher à des débris remontant vivants à la surface. La pénurie de gilets de sauvetage n'arrange pas les choses, tandis que de nombreux flotteurs Carley sont coincés par des couches de peinture du temps de paix. D'autres épreuves attendent ceux qui parviennent à s'éloigner du navire. L'eau était recouverte d'une épaisse couche d'huile qui recouvrait tous ceux qui y nageaient. Un certain nombre d'hommes ont été assommés et se sont ensuite noyés à cause des débris flottants qui surgissaient des profondeurs à grande vitesse. D'autres se sont dirigés vers les destroyers qui les accompagnaient, mais les ordres de l'Amirauté selon lesquels les escortes devaient donner la priorité à la recherche et à l'attaque de l'ennemi ont fait que beaucoup ont été tués par les charges de profondeur dirigées contre l'U-29. Certains ont dû nager pendant près d'une heure avant d'être secourus, mais pour d'autres, dix minutes dans l'eau les ont mis en sécurité. Ils ont été secourus par les paquebots "Dido" et "Collingsworth", ainsi que par le paquebot hollando-américain "Veendam" qui s'est approché après avoir été témoin du désastre. Les survivants sont finalement transférés sur le destroyer H.M. "Kelly" (commandé par le Captain Lord Louis Mountbatten) et emmenés d'urgence à Devonport où des flottes d'ambulances et de médecins les attendent. Un navire de Devonport, la nouvelle de la perte du "Courageous" amène une foule anxieuse à la porte principale de la caserne navale pour scruter les listes de survivants.
- Quelque 518 ont été perdus sur un effectif de 1 216 hommes, un chiffre qui reflète à la fois la vitesse du naufrage et le nombre de membres âgés de la Royal Naval Reserve parmi l'équipage. Le Captain Makeig-Jones ne fait pas partie des rescapés. Issu d'une génération antérieure, il est resté sur le pont à saluer le drapeau alors que son navire sombrait.



Libre traduction par l'auteur du site des pages 1, 2, 5 et 6 de l'ouvrage "U-Boat Attack Logs" de Daniel Morgan & Bruce Taylor chez Seaforth Publishing.
Sources : le Net


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