U-617 et U-852



- Deux U-Boote sont devenus des éléments semi-permanents du continent africain : l'U-617, commandé par Albrecht Brandi, s'échoue le 12 Septembre 1943 au Maroc espagnol neutre, et l'U-852, commandé par Heinz-Wilhelm Eck, s'échoue en Mai 1944 près de Ras Mabber, dans l'ancienne Somalie italienne. Dans les deux cas, les bateaux sont échoués par leurs propres équipages après avoir subi des dommages importants qui les rendent incapables d'atteindre un port ami. L'épave de l'U-617, qui git à moins de trois milles d'un pays neutre, est pilonnée par les tirs de la corvette H.M.S. Hyacinth (commandée par le Cdr R. T. White), du sloop H.M.A.S. Woolongong (commandé par le Lt T. H. Smith) et du chalutier armé H.M.S. Haarlem, mais aucune tentative ne semble avoir été faite pour l'aborder. Les navires australiens et britanniques prennent soin de rester en dehors des limites territoriales, mais estiment justifier de bombarder l'épave afin de s'assurer qu'elle ne puisse plus être remise en état de naviguer. Bien que certains le suggèrent, il n'y a aucune raison de croire que des membres du personnel allié soient montés à bord de l'U-Boot pour tenter de trouver des documents secrets.

- Peu de temps auparavant, l'U-617 est l'un des rares U-Boote à avoir été attaqué par une bombe au phosphore. La bombe a touché le bord avant du massif, d'où elle a déversé son contenu sur les hommes qui s'abritent d'une pluie de balles derrière la protection que la baignoire peut offrir. Les bombes au phosphore sont rarement utilisées en mer, car la substance prend feu au contact de l'air. Elles sont utilisées lors de raids aériens contre des cibles civiles à terre, où elles causent souvent de terribles blessures. Les hommes sur le pont de l'U-617 ont eu la chance d'être touchés par des fragments relativement petits, ce qui signifie que leurs blessures ne sont pas mortelles.


L'U-617 échoué sur les côtes de l'Afrique du Nord

- L'U-852, un Type IXD2, est développé à partir du Type IXC à longue portée précédent en ajoutant deux sections supplémentaires, l'une à l'avant et l'autre à l'arrière du massif. Cela permet d'accueillir davantage de membres d'équipage et d'installer un autre ensemble de moteurs pour une navigation plus efficace. La capacité en carburant du réservoir externe est considérablement augmentée pour donner aux bateaux une autonomie incroyablement longue d'environ 32 000 nautiques, soit 60 000 km. Un Type IXC standard ne peut parcourir que la moitié de cette distance et un Type VIIC, comme l'U-617, moins d'un tiers.

- Cette modification présente également un grand nombre d'inconvénients, qui rendent les bateaux inadaptés à la guerre totale des convois dans l'Atlantique. Les barres de plongée ne sont pas été agrandies, ce qui a tendance à faire se comporter les bateaux comme des baleines en difficulté, rendant leur contrôle difficile lors des plongées. Pire encore, il est pratiquement impossible de les maintenir à l'immersion périscopique sans que la proue ou la poupe ne percent parfois la surface de l'eau.

- Ce problème aurait pu être résolu par un périscope plus long, mais le développement de tels dispositifs aurait pris un certain temps et le constructeur a été contraint d'utiliser des équipements optiques déjà disponibles.


L'U-852 échoué

- Les côtes sud-atlantiques et indiennes de l'Afrique ont tendance à évoquer une vision idyllique de plages isolées, mais dès l'automne 1942, le premier U-Boote à opérer dans cette région (l'U-178 commandé par le KptzS Hans Ibbeken) rencontre des difficultés inattendues. La raison en est que l'U-178 a hérité d'un lourd passé laissé par les « croiseurs fantômes » ou les raiders de surface des temps anciens. Ces derniers ont semé une telle terreur et causé de tels bouleversements que des mesures considérables ont été prises pour assurer la sécurité des voies maritimes et maintenir un soutien lointain à l'effort de guerre allié. L'U-178, par exemple, constate qu'une proportion inhabituellement élevée de ses cibles est escortée par des avions et qu'il y a un usage abondant du radar, ce qui rend les attaques risquées. De plus, on découvre rapidement que les mers du sud sont soit trop agitées pour permettre l'utilisation d'armes, soit si calmes que les avions peuvent facilement repérer tout ce qui laisse des vagues à l'avant. Les avions sont plus qu'une simple nuisance. Ils représentent une opposition incroyable. L'autre inconvénient, du point de vue des Allemands, est qu'il y a relativement peu de trafic radio, ce qui permet à l'ennemi de les identifier et de les suivre facilement.

- Lors de son briefing pour le prochain voyage de l'U-852 dans l'océan Indien, puis à Penang en Malaisie, Eck est averti de l'intensité de la couverture aérienne et de la nécessité de s'éloigner de toute preuve incriminante laissée à la surface après le naufrage des navires. Cette crainte de conduire un bateau lent et vulnérable à travers une opposition aussi puissante le convainc de mitrailler les débris flottants et, par conséquent, les survivants du cargo Peleus qu'il coule au large de l'Afrique occidentale dans l'après-midi du 13 Mars 1944. Après la guerre, Eck est jugé pour crimes de guerre. Il devient le seul commandant de U-Boot à être condamné à mort par un tribunal allié. Un point intéressant concernant ce procès est qu'il est reporté jusqu'après la guerre, lorsqu'il n'y a plus de risque que les Allemands exécutent des prisonniers alliés ayant commis des actes similaires. En effet, les accusations de meurtres de survivants allemands et japonais ne font même pas l'objet d'une enquête.

- Les survivants du Peleus sont débarqués vers la fin Avril 1944, après avoir été secourus par le cargo polonais Alexandre Silva. De plus, les survivants de la deuxième victime de l'U-852 (le cargo britannique Dahomian, de 5 277 tonnes, qui coule à proximité du Cap [Afrique du Sud] le 01 Avril 1944) sont secourus quelques jours plus tard. Ces informations, combinées à l'analyse des signaux radio, permettent de deviner la direction de l'U-852. En ajoutant la vitesse estimée à cette formule, la RAF commence à envoyer des patrouilles aériennes dès que le sous-marin est à portée de la base britannique d'Aden. Ces efforts portent leurs fruits le 02 Mai 1944. L'U-852 est repéré à son 105e jour en mer. La durée d'un tel voyage est en soi un exploit incroyable. Il fait une chaleur insupportable à bord du bateau, et une grande partie des hommes souffrent du mal du pays et du mal de mer, confinés dans leur espace exigu, où ils ne voient ni le ciel ni le soleil. L'absence d'action depuis un certain temps a probablement bercé les hommes d'un faux sentiment de sécurité, ce qui, combiné à un manque quasi total d'exercice, a entraîné une léthargie méconnue. Pourtant, malgré cet inconvénient, August Hoffmann, le second officier de quart en service auprès des veilleurs, réagit avec un calme calculé lorsqu'il ordonne à l'U-852 de plonger d'urgence.

- La vague en forme de V caractéristique à la surface d'un sous-marin presque fluorescent a déjà été repérée par les hommes à bord du Wellington 'E', piloté par le Flying Officer H.R. Mitchell, qui tire le meilleur parti de son avantage en manœuvrant entre le soleil éblouissant et sa minuscule cible. Puis, descendant avec la plus grande détermination, il mitraille le bateau avec tout ce que son avion peut tirer et, en même temps, le crible d'une série de charges de profondeur bien placées. L'U-852 est en train de couler lorsque celles-ci explosent et, lorsque Mitchell reprend de l'altitude, il trouve une mer vide et calme, comme si rien ne s'est passé. Seuls les cercles concentriques de plus en plus grands formés par l'éruption mourante indiquent qu'il y a eu un acte d'agression. Malheureusement, il ne peut pas faire grand-chose d'autre. Il est à court de carburant et doit donc retourner immédiatement à sa base. Toujours sous le choc, les hommes de l'U-852 cherchent à tâtons leurs masques à gaz alors que des fumées suffocantes envahissent le bateau, indiquant que de l'acide s'échappe des batteries et se mélange à l'eau de mer dans les cales. Malgré les coups incroyables, les 15 minutes de lutte de la 'division technique' finissent par ramener le bateau en surface. L'évaluation des dégâts indique qu'une nouvelle plongée sera certainement la dernière. Eck n'a donc plus qu'une seule option : quitter rapidement la zone, mais le faire en surface sous le soleil de midi signifie qu'il doit s'attendre à d'autres attaques avant que la nuit ne lui offre un peu de répit.
- Il y a d'autres attaques aériennes au cours de la journée, mais les artilleurs de l'U-852 font un travail formidable tandis que l'U-Boot tente d'échapper à la mort. Le coup fatal est porté tôt le matin du 03 Mai par le Flying Officer d'aviation J. R. Forrester, aux commandes d'un autre Wellington. Cependant, à ce moment-là, il peut également voir la côte somalienne déchiquetée devant le sous-marin, ce qui indique clairement qu'Eck espère atteindre la côte avant que son bateau ne soit coulé. Le sang et les morceaux de chair projetés par les sept hommes tués par les tirs ont rendu malade une bonne partie de l'équipage, mais celui-ci continue à lutter avec une détermination sans faille pour survivre et détruire son bateau. Une fois échoué près d'une côte accidentée, le bateau est laissé en paix pour que les hommes puissent tirer le meilleur parti de leur situation périlleuse. Ils savent qu'ils se trouvent près de Ras Mabber, dans l'ancienne Somalie italienne, mais cette colonie italienne est occupée par les Alliés depuis 1941. Les hommes sont néanmoins heureux d'être en vie sur la terre ferme et n'opposent aucune résistance lorsqu'ils sont arrêtés par les troupes du Somali Camel Corps, soutenues par un détachement débarqué du H.M.S. Falmouth. La Royal Navy envoie une équipe d'abordage à bord du sous-marin. Quelques objets intéressants, dont le journal de bord du bateau avec les détails exacts du naufrage du Peleus, sont récupérés. Apparemment, l'enquête sur l'épave est si minutieuse que les ingénieurs ont même percé des trous dans la coque épaisse pour mesurer son épaisseur.

- Le commandement des U-Boote est au courant de ce qui s'est passé, ce qui suggère que les détails de l'échouage envisagé sont transmis par radio à la base et qu'il semble probable que les hommes ont ensuite appliqué la procédure standard consistant à se débarrasser de la machine Enigma et de ses codes, ainsi que d'autres documents secrets. Au cas où une action aussi radicale se révèle une fausse alerte et nécessite de nouvelles transmissions, un bloc-notes de chiffrement d'urgence spécial est emporté pour ces événements extrêmement rares. Bien que l'équipage a eu amplement le temps de détruire les secrets, on peut se demander si des blessures auraient pu l'empêcher de mener à bien l'opération. Les attaques aériennes brutales ont même tué des hommes, tandis que leur sous-marin peinait à parcourir une distance de plus de 200 km. Le journal de bord, si important, a été laissé à la Royal Navy pour qu'elle le récupère ; il est donc fort possible que d'autres documents sensibles soient également passés entre les mains des Alliés.


Glossaire
Source : ENIGMA U-BOATS Breaking the Code (avec mes propres corrections).

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