Les premières opérations de
torpilles individuelles à Anzio
- Le samedi 22 Janvier 1944 à 02h00,
quatre divisions du VI Corps de l'US 5th Army (Lt-Gen Clark)
effectuent des débarquements surprise sur la côte
Ouest de l'Italie. À Anzio, à cinquante
kilomètres au Sud de Rome, elles établissent une
tête de pont. L'opération leur pose plus de
problèmes qu'on ne le pense au départ et il faut
attendre longtemps avant que la tête de pont ne puisse
être agrandie ou abandonnée. Il est de la
responsabilité de la Kriegsmarine de couper les
approvisionnements de la tête de pont par la mer et
d'empêcher l'envoi de renforts. Ni les quelques U-Boote
opérant en Méditerranée, ni les
3.Schnellboostflottille et 7.Schnellboostflottille
ne peuvent perturber efficacement la navigation
alliée.
- Pour soutenir les forces navales allemandes, l'OKM
décide d'utiliser des torpilles monoplaces de type
Neger. En toute hâte, en Février 1944, le
K-Verband crée l'unité d'opérations
navales 75 (MEK 75) sous le commandement du KptzS
Böhme, ancien commandant du destroyer Z-22 Anton
Schmitt (torpillé et coulé lors de la
première bataille de Narvik, le 10 Avril 1940) et
actuellement sans poste actif pendant que son nouveau
commandement, le destroyer Z-23, est en réparation
à La Pallice.
- Les Neger sont retardés pour des modifications
après que le Dr Wandel, futur médecin du
K-Verband, ait identifié un défaut dangereux
entraînant de graves problèmes de santé chez
les pilotes lors des essais à Eckemförde.
L'unité n'a aucune expérience pratique sur laquelle
se rabattre et il n'est même pas certain qu'il soit
possible d'effectuer des opérations avec l'appareil.
- Lors d'une conférence tenue à Kiel le 01 Mars
1944 entre le Konteradmiral Heye, alors chef d'état-major
du groupe Nord et du commandement de la flotte, le professeur
Orzechowski, pharmacologue du service médical de la marine
au commandement naval de la Baltique, et le docteur Wandel,
chirurgien divisionnaire de la division de la réserve
navale, Heye fait une demande urgente de médicaments
destinés à maintenir les opérateurs
isolés physiquement alertes pendant de longues
périodes et à mobiliser leurs réserves
d'énergie. Orzechowski élabore différentes
préparations de comprimés et demande à
l'apothicaire de l'hôpital naval de Kiel-Wik de les fournir
dès le lendemain. Les tests effectués sur cinquante
hommes au camp d'entraînement Schlutup de Blaukoppel
donnent les résultats suivants : Les « cobayes
» qui ont pris la combinaison de médicaments
après une bonne nuit de sommeil ne souffrent d'aucun effet
secondaire, ceux qui ont pris les pilules le soir avant le
service de nuit ont réagi sans effets secondaires
négatifs significatifs et ont fait preuve d'une plus
grande vigilance, en particulier avec les préparations
comprenant de la Pervitine. La combinaison de 5 mg d'Eukodal, 5
mg de Cocaïne-5 et 3 mg de Pervitin s'avère la plus
efficace. 500 comprimés de cette préparation
« D IX » sont donc commandés pour les pilotes
de Neger. Les dosages réels ne sont pas
connus.
- Début Avril 1944, après seulement deux semaines
d'entraînement, l'ObltzS Krieg emmène la
K-Flotilla 361 à Rigano près de Florence en
train avec 40 Neger, où ils arrivent le 06 Avril.
Les porteurs sont ensuite transbordés sur des
véhicules lourds pour le voyage par la route
jusqu'à Practica di Mare près d'Anzio. Trente-sept
d'entre eux arrivent sains et saufs le 13 Avril, trois ayant
été mis hors service en raison de dommages en cours
de route. Les machines sont amenées dans une pinède
à environ 4 kilomètres derrière la ligne de
front, à 18 nautiques des mouillages alliés,
camouflées contre la reconnaissance aérienne et
dissimulées parmi les cabines de bain de plage.
- L'attaque est programmée pour la nuit noire de la
nouvelle lune, le 20 Avril, lorsque les Neger doivent
être mis à flot près de la tour Vajanica en
ruine. Des difficultés imprévues se
présentent alors. La plage est trop plate pour mettre
à flot les lourdes torpilles doubles et 500 parachutistes
de la Luftwaffe sont appelés pour tirer les
trente-sept machines de 5 tonnes vers des eaux plus profondes. Au
cours de ces manœuvres, le premier accident mortel se
produit. Un Neger correctement couché sur le
côté pour le lancement est poussé vers
l'extérieur mais ne parvient pas à atteindre une
profondeur d'eau suffisante pour la faire flotter. Les vagues
déferlantes font tournoyer l'appareil immergé sur
le fond sablonneux, le pilote impuissant ne peut se
libérer et son corps est récupéré le
lendemain matin. Un deuxième accident mortel se produit
plus tard sur le chemin vers la zone opérationnelle. Un
pilote qui n'a pas utilisé correctement
l'équipement à oxygène meure d'un
empoisonnement au CO2. La torpille est sortie de l'eau
par un navire allié et l'ennemi apprend ainsi le secret de
la nouvelle arme.
- L'opération commence à 22h00 une fois les
torpilles déplacées vers des eaux plus profondes.
Les véhicules amphibies spéciaux nécessaires
pour mettre à flot les engins Neger en toute
sécurité ne sont pas encore disponibles et ne
seront jamais prêts avant les derniers jours de la guerre.
Le résultat à Anzio est que la première
nuit, quatorze torpilles Neger monoplaces finissent sur
les bancs de sable ou coincées dans les bas-fonds et
doivent être détruites le lendemain.
- Le Groupe 1 (ObltzS Leopold Koch) doit contourner le cap Anzio
pour attaquer les navires dans la baie de Nettuno. Le Groupe 2
(Lt Seibicke) doit attaquer les navires dans la direction
d'Anzio. Le Groupe 3 (Oberfähnrich Potthast) doit attaquer
le port.
- L'Oberfähnrich Hermann Voigt du Groupe 2 lance sa torpille
sur un navire ancré. Il y a une forte explosion et Voigt
voit la cible, un patrouilleur, se briser.
- Dans le port d'Anzio, Karl-Heinz Potthast torpille un vapeur
qui explose dans une désintégration assourdissante.
Le Oberfernschreibmeister Herbert Berrer réclame un
transport de troupes. Le Schreiberobergefreiter (matelot, commis)
Walther Gerhold, autrefois à bord du torpilleur
T-20, tire sa torpille sur un canon du môle et fait
exploser son magasin de munitions prêtes à l'emploi.
L'Oberfähnrich Pettke et d'autres pilotes rebroussent chemin
sans apercevoir l'ennemi, bien qu'un pilote ait torpillé
un patrouilleur sur le chemin du retour vers la côte.
- Horst Berger, un jeune matelot de 17 ans, écrit plus
tard sur son aventure :
- Départ juste avant minuit. Je suis un peu inquiet
à cause de nos champs de mines. Au bout de cinq minutes
environ, j'en ai fini avec eux. Je jette un coup d'œil
à ma montre : 00h20. Les ordres sont : « Prenez la
mer. Naviguez en fonction de l'étoile polaire. » Je
navigue à trois ou quatre nœuds. Au-delà du
champ de mines, par miracle, le ciel commence à se
dissiper. Je regarde vers l'arrière et je vois alors
l'étoile polaire.
- Je jette un coup d'œil à ma montre. 02h00. La
Flak est censée nous fournir un tir de couverture.
Pourquoi ne tirent-ils pas ?
- 03h00. Il n'y a que de l'eau à voir dans toutes les
directions. Même le ciel est monotone. J'ai toujours
aimé la mer, mais ici elle est sans âme, oppressante
! La hauteur des vagues augmente sans cesse. J'essaye de parer
chaque coup violent par des mouvements de gouvernail, mais cela
ne marche pas. L'étoile polaire est maintenant
cachée par les nuages. Il fait encore très sombre.
Ma tête devient lourde. Je sens une forte pression aux
tempes. Soudain, une sensation nauséeuse me monte de
l'estomac. Je vomis. Le manche de commande est maintenant humide
et glissant. J'essaye de sécher ma main sur ma combinaison
de combat mais le vomi est partout. Pour l'amour de Dieu !
Où est le truc à oxygène ? Il est tellement
encombré dans la coupole. Je suis malade comme un porc. La
pression dans ma tête empire. Mon pouls bat à tout
rompre. Soudain, je réalise ce qui ne va pas. Je suis
assis sur le tube à oxygène. Ce faisant, j'ai
coupé mon approvisionnement. D'un coup sec, je
libère le tube et le place sous mon nez, je respire,
respire et me sens beaucoup mieux. Je me dis que je suis
sauvé. Mais seulement de la suffocation. Maintenant, je
dois me demander où se trouve Anzio-Nettuno. Où
sont mes camarades ?
- Je regarde ma montre. Il est un peu moins de 05h00 du matin.
Quelques minutes plus tard, nous avons l'autorisation de tirer.
Soudain, le ciel est illuminé par un obus
éclairant. C'est commencé! La Luftwaffe lance sa
fausse attaque aérienne programmée. La cible est
illuminée comme en plein jour. L'enfer doit se
déchaîner sur Anzio. L'ennemi pense qu'il s'agit
seulement d'une attaque aérienne. La Flak est terrible.
À ma droite, un grand incendie éclate dans le port.
Je suis encore loin d'une position de tir. Mes camarades n'ont
pas chômé. À l'heure qu'il est, ils sont en
train certainement se diriger vers la base. Dois-je lancer une
attaque solitaire après avoir mis si longtemps à
arriver ?
- Il est bien plus de 05h00 du matin quand je prends la
décision d'attaquer. J'essaye d'estimer ma distance par
rapport au port. Soudain, tous les doutes disparaissent. Je sais
ce que j'ai à faire. Visant ma torpille vers les
installations du port, que je peux clairement voir, je tire le
levier de déclenchement. Une secousse ! Par ses propres
moyens, ma torpille d'attaque se dirige vers la cible.
Bientôt, elle va toucher. Plus vite, beaucoup plus vite !
Je l'incite. Je tremble d'attente, impatient de retourner
à la base. Une explosion, un grand nuage de fumée
s'élevant lentement. « Un coup ! » je
crie.
- Maintenant, je dois partir. Je pense qu'il y a une autre
explosion. Je dois retourner auprès de maman (Mum) ou au
moins auprès de mes camarades. Oui, mais quel est le moyen
le plus rapide ? Probablement le plus rapide juste sous la
côte. Mais c'est du suicide, me dis-je. Je ne vais pas
laisser les Tommies me chercher. Repartir en mer. Pendant des
heures, je dirige ma torpille comme dans un rêve. Le soleil
me 'cuit' à travers ma coupole. Mes yeux n'arrêtent
pas de s'écarquiller. Soudain, je m'endors.
- Quand je me réveille, il est 10h00. La terre devant
moi. Je me dirige vers le rivage. L'indicateur de ma connexion
d'oxygène est presque à zéro. Magnifique
sable blanc. Tack, tack... rish ! Un torrent d'eau se
déverse contre le capot en plexiglas des deux
côtés. L'eau jaillit - tirs de mitrailleuses ! Une
autre rafale ! J'ouvre la coupole et je plonge. Le gilet de
sauvetage gonflé me maintient à flot. Je ne me
rends pas compte que je respire enfin l'air frais tant
désiré.
- Deux soldats traversent le sable vers moi. Des
Américains ? Tous deux sont torse nu et ne portent pas de
couvre-chef. Leurs armes sont dégainées. En pidgin
: « Vous êtes Américain ? D'où
venez-vous ? »
- « Vous ne croirez pas que je suis venu ici de Berlin !
» répondis-je.
- Le plus jeune soldat rigole, l'autre fait une grimace et dit
d'un ton dédaigneux : « Ne riez pas, vous ne voyez
pas à quel point il est énervé ? Ne le
quittez pas des yeux ! » Je n'en crois pas mes oreilles
quand je les entends parler allemand. Je trouve toute la
situation vraiment bizarre. Ils refusent de parler et m'escortent
jusqu'à leur capitaine. Un troisième soldat
apparaît, lui aussi torse nu mais coiffé d'une
casquette. Et cette casquette - j'en crois à peine mes
yeux - porte l'aigle de la Wehrmacht, la croix gammée et
la cocarde. Dans le style de la Luftwaffe. En jubilation, je les
interpelle : « Vous êtes allemands ? » Je n'ai
jamais vu de regards aussi vides depuis des lustres. « Que
sommes-nous censés être d'autre alors ?
»
- Je leur explique que j'étais en mission
secrète et que je n'avais pas le droit d'en dire plus.
Quand je vois leur déception de ne pas avoir
capturé un Américain, je leur dis combien je suis
heureux d'en avoir fini avec eux. J'étais vraiment au bout
de ma réserve. Leur joie est grande. Ils m'amènent
chez leur Hauptmann, qui est également berlinois. Je lui
demande d'appeler mon unité. Je parle à mon
supérieur et lui rapporte que ma torpille a
été tirée sur les installations du port. Peu
après, ils viennent me chercher. Tous mes camarades
rentrés sains et saufs sont invités à
être reçus au QG par le Generalfeldmarchall
Kesselring. Je reçois la Croix de Fer de deuxième
classe et je sui promu Gefreiter.
- Le Generalfeldmarschall nous invite à dîner.
Étant le plus jeune de notre groupe de seize à
être rentré sain et sauf, je m'assois pendant le
repas à côté de Kesselring. Il me fait tout
raconter de l'opération. Tout le monde rit beaucoup, si
bien que je ne mange presque pas une bouchée. Finalement,
j'obtiens 21 jours de congé spécial. Ma mère
a été très contente.
- Le lendemain de l'opération, les hommes de la
K-Flotilla 361 détruisent les Neger
restants. Les Alliés capturent un modèle intact et
savent désormais ce que fait la Kriegsmarine.
L'élément de surprise est perdu. La K-Flotilla
361 retourne dans la Baltique sans ses porte-torpilles. Le
K-Verband analyse l'opération et identifie la
raison de son échec comme étant le manque de
reconnaissance du terrain. Pour éviter ces
problèmes à l'avenir, il est décidé
de créer un état-major scientifique chargé
de préparer minutieusement toutes les opérations
à venir.
Glossaire
Source : HITLER'S SECRET COMMANDOS
