Perte de l'U-175



L'U-175 est attaqué, au loin le convoi HX233
L'U-175 est attaqué, au loin le convoi HX233

- C'est formidable de faire partie d'un bateau performant, et l'U-175 connait une première campagne militaire des plus prometteuses. Son commandant, le Kptlt Heinrich Bruns, devient le sujet de conversation principal dans les cafés français fréquentés par le personnel naval. À 30 ans, il est plus âgé que la plupart de ses contemporains. Son service à bord des cuirassés Scharnhorst et Schleswig-Holstein lui a été très utile, et un bref passage sur un torpilleur lui a apporté l'expérience nécessaire des petits navires pour aider à résoudre les problèmes posés par un U-Boot. Après avoir d'abord servi comme officier de quart sur l'U-75, il prend le commandement de l'U-175 en Décembre 1941, quelques semaines seulement avant l'entrée en guerre des États-Unis. Sa première croisière opérationnelle l'emmène à travers l'Atlantique, dans les Caraïbes, où l'absence de défenses efficaces contre les U-Boote lui offre les opportunités qu'il recherche. Malheureusement, son équipage ne partage pas tout son enthousiasme. L'U-175 a quitté le port un peu précipitamment, sans avoir été équipé pour les tropiques, et avec des températures atteignant 50°C, cela signifie que les provisions en décomposition ajoutent rapidement une odeur nauséabonde aux tâches quotidiennes des hommes.

- Plus tard, de retour de leur deuxième campagne militaire, les hommes font escale à Lorient, en France, où ils trouvent la ville dévastée par une série de violents raids aériens. Tout le monde sait que la Royal Air Force a aidé l'effort de guerre allemand en épargnant les installations navales et en se concentrant sur le bombardement des maisons françaises, mais cette fois-ci, c'est différent. La caserne Saltzwedel de la 2.U-Flottille et le complexe Hundius de la 6.U-Flottille ont été dévastés. Même les hommes qui se sont réfugiés dans des bunkers ont été tués, en plus de ceux qui se trouvaient à l'air libre. Le retour sur la terre ferme à la fin du mois de Février 1943, après avoir navigué dans les eaux chaudes de l'Afrique, est une affaire solennelle, rendue encore plus difficile par les conversations entendues dans les cafés. Malgré un voyage un peu moins fructueux, Bruns est toujours au centre des conversations. Il a repoussé plusieurs attaques et ses hommes ont réparé de graves dommages en mer, ce qui leur a permis de rentrer en héros. Mais cette fois-ci, les discussions vont plus loin et touchent parfois plus durement les nerfs. Certains disent que Bruns a « mal à la gorge », d'une manière qui ne peut être guérie qu'en lui accrochant une Croix de chevalier autour du cou. Il est certes ambitieux, et ses commentaires selon lesquels cela serait plus bénéfique pour l'ennemi que pour l'Allemagne ne contribuent pas à calmer des esprits déjà à vif. Les hommes de l'U-175 ont le sentiment profond que les choses vont forcément mal tourner.

- À 11h00, le Samedi 17 Avril 1943, un veilleur aperçoit le convoi HX233. Bruns fonce immédiatement vers l'avant, prépare son bateau pour l'attaque et plonge. Ses officiers, devinant ses intentions, s'y opposent, estimant qu'il vaut mieux continuer à suivre le convoi et attaquer pendant la nuit, mais Bruns insiste. Jetant un coup d'œil préventif alors qu'il est dépassé par le convoi, il remarque une escorte à l'arrière, mais aussi le pétrolier américain G. Harrison Smith (11 752 tonnes). Ce n'est pas seulement le plus gros navire du convoi, mais aussi le plus gros qu'il ait rencontré depuis longtemps. Les chances de le couler semblent bonnes. L'équipage est à son poste de combat. Les torpilles sont prêtes. La cible n'est qu'à trois kilomètres et demi, la distance idéale pour une attaque en plongée. L'ambition pousse Bruns à manœuvrer pour se mettre en position de tir, tandis que l'opérateur radio, qui manipule l'équipement acoustique, signale que le sifflement aigu des moteurs des destroyers devient de plus en plus fort. Il n'a pas besoin de répéter son observation. Le bruit devient bientôt audible dans tout le bateau, sans qu'il soit nécessaire d'utiliser un équipement de détection sonore sensible, mais Bruns ne réagit pas à la menace. Ce n'est que lorsqu'il entend les signaux sonores qu'il perd finalement son sang-froid et fait demi-tour, mais il est déjà trop tard.

- Le garde-côte américain Spencer a repéré l'U-175. Il s'approche et se place à cheval sur la cible et lance onze charges de profondeur réglées entre 15 et 30 mètres. L'U-175 se trouve toujours à 20 mètres de profondeur, en plein milieu de la zone de tir. Lorsqu'elles explosent les unes après les autres, les hommes à bord sont stupéfaits. Les lumières s'éteignent, de l'eau s'engouffre, les machines tombent en panne et l'U-Boot s'enfonce dans les profondeurs. Dans la cabine radio, le lourd équipement est arraché de ses fixations, causant des pertes supplémentaires en heurtant l'opérateur assis en dessous. Il n'est pas nécessaire de donner des ordres. Ces avaries ont été répétées en conditions réelles de guerre. Même les fumées toxiques s'élevant des batteries sont automatiquement neutralisées par l'équipement de sauvetage du sous-marin. Mais cette fois, la situation est bien pire. Les portes étanches ne peuvent plus être fermées car la coque est déformée. Plus grave encore, les profondimètres sont brisés et le sous-marin ne répond plus aux barres de plongée. Tourner les énormes volants de commande manuelle n'arrête pas la chute brutale. Sans attendre la permission, l'officier mécanicien ordonne de chasser aux ballasts.

- Bruns ne le contredit pas. Au lieu de cela, il reste là, momentanément perplexe, le martèlement résonnant encore dans ses oreilles. Quelques secondes plus tard, il réagit en grimpant vers le kiosque et en montant à la passerelle, où il est accueilli par une pluie de balles. Ses restes sont si mutilés que les hommes qui titubent derrière lui ne reconnaissent pas la masse de chair. Seuls quelques-uns aperçoivent un doigt avec une bague distinctive, indiquant qu'il s'agit des derniers restes de leur commandant. Certains rapports affirment que la panique de l'équipage les a plongé dans une hystérie collective, ce qui ne peut être tout à fait exact, car un certain nombre d'hommes restent en bas pour réparer les dégâts, ignorant que l'ordre d'abandonner le navire a été donné. C'est peut-être leur dévouement qui les sauve. Bien que l'U-175 ne fasse pas le moindre effort pour riposter, des tirs intenses touchent les hommes qui nagent dans l'eau. Dans ce barrage incontrôlé, un marin américain est tué par ses propres camarades et au moins un navire du convoi subit des dommages considérables. Leurs propres camarades décrivent les artilleurs comme une bande de voyous et notent que certains hommes traînent même devant les canons afin d'avoir une bonne vue sur l'action.

- La violence de cette attaque fait l'objet d'un débat. Un rapport justifie ce bain de sang en affirmant que les hommes de l'U-Boot en train de couler n'ont pas hissé de drapeau blanc. Il est également possible que les représailles allemandes soient exagérées afin de dissimuler les dégâts, les morts et les blessés causés à leur propre camp. Les canons continuent à tirer pendant un certain temps après que l'ordre de cesser le feu ait été donné et les derniers hommes de l'U-175 sautent dans des tirs sporadiques plutôt que sous une pluie de balles. Au final, le bilan n'est aussi terrible que le bruit ambiant peut le laisser penser et seuls 13 hommes ont perdus la vie.

- Une équipe d'abordage composée de six hommes parvient à ramer jusqu'au U-Boot et à monter à bord. Leur vedette ne peut être utilisée, car elle a été trouée par les tirs amis. Il semble que plusieurs navires marchands ont utilisé également leurs canons, sans se soucier de l'endroit où leurs obus atterrissaient. L'abordage n'est pas facile et les hommes ont à peine accompli l'exploit qu'un signal de Spencer leur ordonne de rester à distance. À ce moment-là, les premiers hommes sont au sommet du massif, horrifiés par l'apparence d'une boucherie. Lorsque le panneau est ouvert, le sous-marin semble soudain s'enfoncer davantage ; une grenade est donc lancée pour tuer tous ceux qui restent à bord, puis l'équipe d'abordage se retire. Il semble hautement improbable que quiconque soit descendu à l'intérieur et, par conséquent, rien de précieux n'a probablement été récupéré.


Glossaire
Source : ENIGMA U-BOATS Breaking the Code (avec mes propres corrections).

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